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Installations photovolaïques dans les aéroports

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Alberto Domenech

AERTEC / Airport Planning & Design

 

L’un des marchés actuellement en plein essor est celui de l’énergie solaire photovoltaïque. Ce secteur améliore son efficacité de manière continue tout en gagnant en compétitivité.

On peut alors se demander quel est son impact sur le monde de l’aéronautique en général et l’aéroportuaire en particulier ?

Les gestionnaires d’aéroports devraient commencer à envisager la possibilité d’inclure des installations d’énergie solaire photovoltaïque à leurs plans directeurs et d’analyser si celles-si sont viables ou non dans leur aéroport.

Premièrement, il convient de noter que l’environnement aéroportuaire est idéal pour accueillir une installation photovoltaïque, tout d’abord parce que la consommation d’électricité y est élevée. Il y a généralement beaucoup de terrain disponible pour l’installation, notamment sur les toitures des bâtiments, et l’énergie produite est directement consommée dans l’infrastructure, son transport vers de longues distances n’étant pas nécessaire. Ce type d’énergie peut, en définitive, réduire de manière significative les frais d’exploitation d’un aéroport.

Ces installations présentent toutefois une séries de contraintes que les gestionnaires d’aéroports doivent considérer lorsqu’ils projettent d’implanter une installation photovoltaïque dans leur aéroport, à savoir :

  • Servitudes physiques. Les panneaux ne devront porter préjudice à aucune des servitudes physiques établies par l’OACI. Les panneaux de pourront pas non plus être installés dans les zones de sécurité de piste ni sur les voies de circulation. Cette question ne présente généralement pas de problèmes pendant la phase de conception en raison de la forme des panneaux et de leur hauteur.
  • Éblouissement. La question de l’éblouissement est sans doute celle qui pose le plus de problèmes aux gestionnaires d’aéroports lors de l’implantation d’un projet de ce type. En effet, cela a un impact direct sur la sécurité des opérations.

Tout d’abord, il convient de rappeler que les panneaux photovoltaïques sont conçus pour absorber la lumière et non pas pour la refléter. Ainsi, on estime que seul 3 % de la lumière est reflétée. Un pourcentage très semblable à celui d’un lac calme à proximité de l’aéroport.

À ce sujet, la FFA a mis à disposition un logiciel qui analyse l’éventuel impact de l’éblouissement pendant la phase de conception, le « Solar Glare Hazard Analysis Tool (SGHAT) », développé par le Sandia National Laboratories du DOE.

Ce programme analyse où et quand peuvent se produire des éblouissements tout au long de l’année et, le cas échéant, il calcule l’irradiation et si celle-ci peut produire des dommages ou des lésions oculaires.

Il analyse deux points : La tour de contrôle et la trajectoire d’approche de l’aéronef, à partir de 2 milles avant la prise de contact. De fait, la FAA a établi les critères suivants selon lesquels un éblouissement est considéré inacceptable (il s’agit d’un guide plus que d’une norme) : pour la tour de contrôle, aucun éblouissement pouvant causer des lésions oculaires n’est admis et pour la trajectoire d’approche, le reflet ne doit pas être de sorte à éblouir le pilote ni lui occasionner une perte de vision temporaire.

Malgré la réticence des gestionnaires d’aéroports en raison de ces critères, cela ne devrait pas représenter un élément d’une grande importance lors de la prise de décisions, si la conception est correctement réalisée.

  • Interférences dans les systèmes de communication. Les panneaux ne doivent pas être placés à proximité d’installations de radiocommunication car celles-ci pourraient refléter ou bloquer le signal.

Ils ne doivent pas non plus être placés à proximité de la trajectoire d’approche car, au crépuscule, les plaques libèrent de la chaleur qui peut être collectée par les aéronefs, provoquant des signaux imprévus.

D’autre part, ces systèmes n’émettent pas d’ondes électromagnétiques qui peuvent produire des interférences.

Dans tous les cas, une analyse d’incidence sur les communications doit être menée pendant la phase de conception. Il sera du ressort des autorités compétentes d’approuver ou non l’installation.

Avant la mise en service d’une installation de ce type, chaque gestionnaire d’aéroport doit réaliser sa propre étude de viabilité, en tenant compte au minimum des aspects suivants :

  • Terrain disponible pour l’installation, analysant également la disponibilité sur les toitures des bâtiments et des entrepôts.
  • Énergie électrique qu’il est prévu d’obtenir. Pour cela, des facteurs tels que le climat, les jours d’ensoleillement, l’orientation des plaques, les ombres ou la zone disponible doivent être pris en compte.
  • Analyse de la consommation électrique de l’aéroport. Par exemple, de nombreux aéroports dans le monde sont saisonniers, c’est-à-dire qu’ils peuvent voir leur nombre de passagers doubler ou tripler à certaines périodes de l’année. Leur consommation électrique est par conséquent variable. Dans ce cas, la possibilité de vendre l’énergie restante au réseau général pendant la période d’activité moindre peut être envisagée. Pour cela, il faudra considérer le fait que leur réseau devra s’adapter aux paramètres du réseau général du pays en question, cela pouvant supposer une augmentation de l’investissement initial. D’autre part, il faudra tenir compte du prix auquel cette énergie sera vendue.
  • Étude du prix de l’électricité. Cela implique notamment l’analyse de données historiques du comportement des prix dans le pays en question ou de facteurs nationaux et internationaux pouvant avoir une influence à court, moyen et long terme.
  • Éventuelles politiques du gouvernement concernant les énergies renouvelables ; aides éventuelles ou, le cas échéant, éventuelles impositions, comme c’est le cas actuellement de pays tels que l’Espagne.
  • Analyse du retour de l’installation. Il est important de savoir que ce type d’installations représente un investissement initial important, mais les frais de maintenance au cours de l’exploitation sont bas ; de l’ordre de 0,02 % de l’investissement initial. La vie utile d’une plaque photovoltaïque est en général d’au moins 20 ans.

Voilà pour la théorie, mais en pratique… Un projet de ce type dans un aéroport est-il vraiment viable aujourd’hui ? La réponse est oui, et les exemples suivants peuvent le démontrer.

Aéroport international de Cochin (Cochin International Airport, CIA). Cet aéroport de taille moyenne, 7,7 millions de passagers par an, se situe en Inde, dans l’état de Kerala.

Il est le premier au monde à s’alimenter totalement grâce à son installation de plaques photovoltaïques. Il compte 46 000 panneaux sur 17,4 hectares et génère 52 000 kW. L’aéroport consommant environ 48 000 kW par jour, l’excédent est revendu au réseau général.

Aéroport international de Denver (Denver International Airport, DEN). Deux projets ont été développés en parallèle dans cet aéroport. Le premier d’entre eux a été mis en fonctionnement en juillet 2008, produisant 2 MW. Le deuxième a été mis en fonctionnement en décembre 2009, produisant 1,6 MW. Cet aéroport, l’un des pionniers aux États-Unis, a contribué au développement d’installations similaires dans d’autres aéroports.

Ce ne sont que deux exemples, il y en a bien plus dans le monde, notamment dans les aéroports plus petits. C’est le cas de l’aéroport des Galápagos, avec une philosophie écologique exemplaire. Ou le George Airport, petit aéroport de 560 000 passagers par an, situé en Afrique du Sud, le deuxième au monde, après celui de CIA cité ci-avant, alimenté par l’énergie photovoltaïque.

Enfin, qu’en est-il de la norme ? Existe-t-il des réglementations spécifiques pour ce type d’installations ? Actuellement non.

La FAA a rédigé un guide à caractère non obligatoire intitulé « Technical Guidance for Evaluating Selected Solar Technologies on Airports ». Ce guide, comme indiqué sur sa couverture, est actuellement en cours de révision et peut donc faire l’objet d’éventuelles modifications à l’avenir.

En ce qui concerne la norme européenne EASA, elle n’y fait référence qu’au point GM1 ADR-DSN.M.615, qui stipule qu’une étude de sécurité opérationnelle devra être rédigée en tenant compte de l’éblouissement lors des phases de descente, de prise de contact et de circulation.

L’OACI quant à elle, ne la mentionne que dans le Document 9157 Partie 5 Systèmes électriques, qui traite des sources d’alimentation de l’aéroport. Dans ce sens, l’un des scénarios possibles présentés dans ce document serait : alimentation par centrale électrique locale (s’adapte à une production d’énergie photovoltaïque) et par un système de distribution en dehors de l’aéroport (public ou privé). Ainsi, les aéroports devraient disposer d’au moins une source d’alimentation alternative.

Dans tous les cas, l’approbation ou non de ce type de projets est du ressort des autorités compétentes, qui privilégient logiquement la sécurité des opérations à toute autre considération.

Pour conclure, je pense que les gestionnaires d’aéroports devraient commencer à envisager la possibilité d’inclure des installations d’énergie solaire photovoltaïque à leurs plans directeurs et d’analyser si celles-si sont viables ou non dans leur aéroport, d’une part pour les économies notables qu’elles peuvent supposer sur l’exploitation et d’autre part, dans un souci de responsabilité environnementale, dont nous devrions tous prendre conscience.

Enfin, j’aimerais finir l’article avec une citation de Thomas Edison : « I’d put my money on the sun and solar energy. What a source of power! I hope we don’t have to wait until oil and coal run out before we tackle that. I wish I had more years left ».

 

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